Michèle Elbaz, psychanalyste, intervient quatre fois par an auprès des auxiliaires de vie d’Aloïs pour des réunions de supervision.
Quel est l’objectif de ces réunions ?
Michèle Elbaz : « C’est un temps pour l’analyse des situations, des questions, inquiétudes ou difficultés que rencontrent les auxiliaires de vie dans leur délicate mission. Au cas par cas, nous trouvons des voies de passage pour leur intervention. »
Quelle est la spécificité du métier d’aide à la personne ?
ME : « Un métier qui s’exerce auprès d’autrui est une fonction où la parole et l’éthique sont majeures. Cela signifie considérer la singularité subjective, le possible ou l’impossible de chacun, la limite de ses propres actes et paroles, en ne renonçant pas à faire et dire au plus juste. Avoir le souci de l’autre se distingue de vouloir le bien de l’autre. D’où l’importance du travail dans nos réunions. Au quotidien, les auxiliaires développent un art de la négociation, une attention fine à une souffrance qui n’est pas seulement physique. Ils ont un accès direct au rapport de chaque bénéficiaire à son corps, à la parole, et à ce qui lui arrive qui le situe dans une certaine dépendance. Le corps ça n’est pas uniquement le physique ou l’organique, les affects les plus privés passent par lui. Une réponse vive, une absence de désir, un discours silencieux demande de passer par des conditions subtiles. Avoir affaire à un autre dans des choses aussi essentielles que se laver, manger, dormir, se soigner, se tenir, engage l’intime : sa logique, ses paradoxes, sa temporalité. »
Quelle est la règle d’or s’il y a difficulté avec un bénéficiaire ?
ME : « Pas de règle d’or mais sûrement une position de l’auxiliaire : ne pas céder à sa pente narcissique ! Disons qu’il n’est pas souhaitable d’aborder les difficultés par le biais de sa propre valeur ou nullité ; ni de vivre une réflexion comme une atteinte adressée à sa personne mais plutôt à sa fonction et à la signification de sa présence même. Nous sommes des témoins pas des acteurs de l’histoire de la personne. Le refus ou l’accueil qu’il nous fait concerne sa position dans ce qui lui arrive. Dans ce métier on ne s’acquitte pas du travail parce qu’on a bien fait les choses objectivement. Intervenir auprès d’un autre laisse des traces et des questions. »