Rencontre avec un bénéficiaire haut en couleurs !
L’appartement de Frédéric Naturel pourrait facilement passer pour un petit musée. Après avoir contemplé les statuettes africaines, le gramophone des années 1900 « qui ne fonctionne plus » ou encore la collection d’une cinquantaine de chapeaux, on comprend rapidement qu’une bonne partie des œuvres sont les siennes. Frédéric est un artiste talentueux et multi-facettes. Dans l’entrée trône un tableau de bois sculpté représentant un personnage énigmatique aux yeux clos. Sur une étagère du salon, c’est une statue de femme enceinte entourée de deux mains qui la protègent. Sous la commode, on devine quatre ou cinq toiles glissées là par manque de place. Frédéric nous confie qu’il se rend également chaque semaine à l’atelier de dessin. « Je dessine des nus féminins. Les modèles posent et nous dessinons comme nous le souhaitons, chacun avec notre style ».
Quand il ne pratique par l’un de ses arts, Frédéric roule. Beaucoup. Il lui arrive de parcourir jusqu’à 22 000 kilomètres dans l’année sur son vélo de course ! Mais il ne s’éloigne jamais vraiment de son appartement : il lui arrive parfois de perdre l’équilibre et il ne souhaite pas se mettre en danger.
Le danger, il l’a connu il y a une trentaine d’années mais à moto cette fois. Une vitesse excessive, un virage raté et c’est l’accident. Deux œdèmes cérébraux qui le laisseront « comme une plante verte » pendant six mois, selon ses propres mots. Frédéric n’a aucun souvenir de sa vie d’avant. « Après un trauma crânien, on est comme un bébé. On ne peut plus se protéger, on doit tout réapprendre. Si je m’en suis sorti, c’est grâce aux soignantes de la Tour de Gassies ».
Cette aide qu’il a reçu pendant son long séjour à l’hôpital, Frédéric la restitue depuis 25 ans au Pôle Gérontologie de l’hôpital bordelais Xavier Arnozan. Avec l’association Vieillir et vivre il propose des animations aux personnes souffrant de la maladie de Parkinson ou Alzheimer : jeux de société, jeux de cartes ou tout simplement des temps de discussions. « Très peu de gens viennent visiter ces personnes. C’est un milieu extrêmement dur, il faut être fort. Moi je connais la souffrance et la solitude. Mon recul me permet d’être intime avec les gens… et les laisser partir quand c’est le moment. »
Malgré ses difficultés à marcher, Frédéric est autonome dans ses déplacements. Il prend le bus pour se rendre dans le centre de Bordeaux acheter son matériel au Géant des Beaux-Arts ou encore aller au cinéma. Il a adoré The green book et l’émotion est encore très vive quand il évoque le film inspiré du recueil de nouvelles d’Anna Gavalda Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part. Car la solitude lui pèse malgré sa foi. Il croit effectivement en Dieu mais ne lui demande rien. D’ailleurs, il ne demande rien à personne. Il trace sa route, son chapeau et ses lunettes de soleil sur la tête avec ses vêtements des années 1900 « mais toujours avec une touche de couleur ». Artiste jusqu’au bout du style vestimentaire !