Les confinements et plus largement la crise sanitaire nous ont empêchés de nous retrouver pour nos traditionnels événements trimestriels. C’est pourquoi en remplacement d’un reportage sur ce que nous aurions pu partager, nous vous proposons une série de témoignages sur le vécu de cette période. Une autre façon de partager ce que nous avons tous traversé.
Marianne – Auxiliaire de vie de nuit
« Nous faisons un métier essentiel qui n’est pas reconnu »
À l’annonce du confinement, mon premier réflexe a été pour le matériel de protection. Nous faisons un métier essentiel qui permet de maintenir les gens à domicile, de désengorger les hôpitaux. Alors quand j’ai vu que nous n’étions pas sur la liste des bénéficiaires des masques, j’étais très énervée. Nous n’étions protégées qu’à moitié !
J’ai rapidement pris de nouvelles habitudes, la situation a mis à jour nos manquements en termes d’hygiène. Je vois plus les microbes qu’avant : sur les poignées de porte, de caddies… je les vois partout ! Mon accompagnement est devenu plus psychologique aussi. Je suis empathique, je me mets à la place des bénéficiaires et je trouve les mots pour les apaiser. On rit beaucoup, on parle d’autre chose pour se changer les idées.
Cette période m’a rapprochée des chargées d’opération d’Aloïs, un nouveau protocole a été adopté. Les retours de terrain sont très importants pour mettre en place les standards et le suivi. C’est gratifiant de participer à un protocole qui améliore la vie du bénéficiaire. Même si notre métier n’est pas reconnu, on trouve cette satisfaction-là. C’est le remerciement de nos bénéficiaires qui nous fait tenir. Le travail de nuit c’est une responsabilité supplémentaire. On se sent démunis quand il arrive quelque chose, on n’a personne à appeler. Il faudrait créer une hotline avec un médecin pour répondre à nos questions ou un soutien psychologique.
Merci de nous donner la parole, ça fait du bien de parler de tout ça. Il faudrait envoyer la gazette au Président et aux membres du gouvernement, tiens !
Laura – Auxiliaire de vie de jour
« Ça s’est fait tout seul »
L’annonce du confinement ne m’a pas inquiétée plus que ça. J’ai tout de suite pensé au côté concret : récupérer les justificatifs, le matériel… Nous avons rapidement mis en place de nouvelles règles d’hygiène, cela a remis en question ma façon de faire avant. J’ai trouvé que les bénéficiaires vivaient plutôt bien tous ces changements, ça s’est fait tout seul. Une bénéficiaire a annulé ses prestations pendant le confinement alors nous avons échangé par téléphone, je prenais régulièrement de ses nouvelles pour savoir si tout se passait bien.
Pour le côté positif, je me suis mise à beaucoup cuisiner avec une nouvelle organisation. J’allais faire mes courses chaque semaine dans les petits magasins à côté de chez moi. C’était un vrai bonheur de circuler dans les rues de Bordeaux désertes, sans voitures ni piétons…
Depuis le déconfinement, je prends beaucoup de précautions, je ne touche à rien… J’ai pris de nouvelles habitudes que je vais garder.
Chantal Errecart – Aidante
« L’atmosphère était pesante. »
« La galère ! » C’est ce que j’ai pensé en écoutant Emmanuel Macron au soir du 16 mars. Le vocabulaire autour de la guerre, c’était un peu fort pour moi…
Mon mari a une dégénérescence fronto-temporale. Il ne peut pas rester seul. Il peut marcher mais s’exprime très peu. Il a ses habitudes, chaque changement le perturbe beaucoup. Pour ma part, j’ai continué à me rendre au travail tous les jours. J’ai été très respectueuse des règles, je ne voulais pas apporter la maladie dans la maison. J’allais faire mes courses au plus près, j’évitais les supermarchés. J’habite et je travaille à Bassens. Je ne voyais qu’une voiture par jour avec l’impression d’être dimanche tous les jours. L’atmosphère était pesante, la privation de liberté, c’est dur. Je ne pouvais pas sortir le week-end. Je devais faire la paperasse pour que mon mari puisse continuer à sortir. J’ai eu la chance de toujours avoir quelqu’un, il n’y a pas eu de rupture à cause du confinement. Aloïs a bien assuré !
Virginie – Chargée des opérations
« Le confinement a resserré nos liens »
J’étais chez une bénéficiaire quand le président a annoncé le confinement. J’ai immédiatement pensé à comment gérer le côté anxiogène de la situation auprès des bénéficiaires. L’inconnu génère beaucoup de stress, c’est normal. Puis j’ai pensé à mon organisation personnelle avec mes 3 enfants, comment faire l’école à la maison et continuer à pouvoir travailler sereinement…
J’ai dû arrêter le terrain (pour protéger les bénéficiaires) et démarré des suivis téléphoniques. Ça m’a appris à aller chercher l’info de façon plus approfondie auprès des professionnels. Le lien de confiance avec les auxiliaires de vie s’est intensifié. Elles m’appelaient pour « décharger », discuter, ce qu’on ne faisait pas avant. Un vrai travail d’équipe s’est mis en place. Je leur envoyais des mails tous les 3 jours pour les former avec par exemple des tutos vidéos pour se laver les mains, connaître la façon de porter le masque ou encore désinfecter le logement… J’ai pris confiance en moi et en ma capacité de bien faire ce travail qui était encore nouveau au début de cette période. J’ai quelque chose à faire ici. Le confinement nous a donné ça.
Stéphanie – Assistante administrative
« Je me suis étonnée moi-même. »
Je m’attendais à la fermeture des écoles. Je me suis dit que ça allait être très compliqué de devoir gérer en même temps le travail et mes filles de 9 et 6 ans. Mais une fois qu’on s’est posés et qu’on s’est dit qu’on n’avait pas le choix, on l’a bien vécu. Nos filles se sont beaucoup rapprochées.
J’ai gardé le contact avec les auxiliaires, je les ai appelées plus souvent pour savoir de quoi elles avaient besoin. Avec les collègues on s’appelait et on faisait des réunions en visio-conférence. On s’appelait tous les matins avec Virginie, Chargée des Opérations, pour débriefer. On n’est pas restées seules avec nos difficultés et nos questions. J’ai pu constater que j’étais plus zen que ce que je pensais ! J’ai bien géré mon stress alors que je le vis moins bien habituellement. J’étais surmenée et pourtant j’arrivais à suivre le rythme. Je me suis étonnée moi-même. J’ai pris les choses différemment, je travaille plus tard le soir car je n’ai pas la route à faire. Et j’ai réalisé une chose : je ne serai jamais professeure des écoles !